Très bientôt, les prochains sujets.
Merci aux tout premiers participants.
1) "Mon ami imaginaire est dépressif: ou comment un petit garçon règle (ou pas) les problèmes de son ami imaginaire et les siens par la même occasion."
01
FRANCOIS
Mon ami Jonathan perce les parenthèses.
J'ai un putain de trou derrière l'oreille, la mince pellicule de peau qui le recouvre, là, n'existe pas pour moi, du moins je ne la pense pas assez ferme pour empecher un doigt, même ami, de la percer pour mieux épier l'intérieur de ma tête, et par le même crever. C'est une phobie comme une autre ou plutôt un complexe, la peur de se faire toucher l'oreille. Oui ça fait un peu retardé, avec la langue qui sort. Mon pote Jonathan, en plus d'avoir un nom de l'angoisse, est trisomique, enfin je crois, il a la langue qui goute l'air continuellement pour de vrai lui. Mais Jonathan ne me parle pas trop, malheureusement. Je ne parle pas beaucoup non plus. Je respire lentement aussi.
02
ANONYME
Sullivan
Mon ami imaginaire est depressif. Ces derniers jours, il n'a plus goût au jeu et est peu bavard. J'ai décidé de prendre les choses en main. Je me suis inscrit sur un forum des amis de l'ami imaginaire. Lorsque maman m'a accompagné faire les boutiques, j'ai pris des flyers à Imaginarium: "Cercle des enfants qui ont un ami imaginaire (animal, humain, divin)", "Meeting semestriel de la gestion de l'ami imaginaire" et "Les amis imaginaires anonymes". J'ai aussi acheté un best seller américain: "Votre enfant et son ami imaginaire: le Prozac n'est pas la solution". Puis j'ai vu que la petite fille d'une psychiatre de renom de la ville organisait des thérapies de groupe pour les névroses des amis imaginaires dans sa chambre. Elle m'a dit que les pédo-psychiatres étaient des escrocs pédophiles et j'ai donc repoussé l'idée de consulter un psychologue.
Mon ami imaginaire s'appelle Sullivan, il est plutôt caractériel. Je ne sais pas ce qu'il a, je ne sais pas pourquoi, tout d'un coup il ne va plus bien. J'en ai parlé à ma baby-sitter qui fait un CAP Comptabilité, je me suis dit qu'elle pouvait nous aider à passer le cap mais elle m'a juste conseillé de me faire des amis. Je ne le dis pas à maman, j'ai peur qu'elle emmène Sullivan chez un pédophile ou qu'elle me file du Prozac.
Il me dit que je le harcèle, que je prends trop de place dans sa tête, que j'lui pollue son oxygène. Je ne comprends pas comment j'arrive à faire ça, comme si je m'asseyais sur son cerveau en quelque sorte. Mon frère dit souvent à ses amis "Laure, elle m'a mangé le cerveau, les gars", moi je ne mange pas le cerveau de Sullivan, ce serait dégoutant. Il vient, il part, il fait ce qu'il veut. Papa dirait: "c'est un esprit libre". J'aimerais bien être un esprit libre aussi.
Au cercle des enfants qui ont un ami imaginaire, je n'ai pas appris grand chose. Sullivan n'a d'ailleurs parlé à personne. Là-bas, il y avait des grands du collège habillés comme les japonais. Leurs amis, à eux, avaient l'air d'être plutôt en forme. Il y en avait de toute sorte. Nous avions des stickers avec notre prénom, notre âge, le prénom de notre ami imaginaire et sa description. Moi j'ai dit qu'il ressemblait à un petit garçon eurasien de 8 ans. Mais il y avait des monstres, des philosophes des lumières, des actrices. Aucun ne m'a semblé depressif en tout cas. En revanche, les enfants comme moi n'avaient pas l'air très clairs. Mais tous paraissaient plutôt en osmose avec leur ami imaginaire, pas d'histoire de "s'assoir sur les cerveaux" et de manger trop d'oxygène.
Je n'ai pas appris grand chose non plus du côté des amis imaginaires anonymes. Que l'alcool et l'obésité sont des problèmes de santé publique, je le savais déjà.
J'ai consulté un prêtre. Peut-être Dieu, l'ami imaginaire le plus populaire de la terre accepterait-il de nous aider, Sullivan et moi. Le prêtre m'a dit de prier, de reciter des je vous salue Marie et des notre Père. Je prie tous les soirs, ça ne semble pas marcher.
Je ne mange plus, je ne parle plus, j'ai décidé de me faire tout petit. Mon ami imaginaire est mon meilleur ami. Je ne veux pas qu'il aille mal, j'ai peur qu'il en meure et disparaisse pour toujours. Je ne me consacre plus qu'à lui seul, dans la cour de récréation, nous mangeons notre goûter tous les deux sous un peuplier. Dans la famille, nous avons le sens du devoir et du sacrifice. Mon grand-père a perdu trois frères à la guerre, ma mère souffre pour être belle et mon père se saigne aux quatre veines pour subvenir à nos besoins. J'ai peur qu'il n'ait bientôt plus de sang, que nous n'ayons plus d'argent et que ma mère décide de ne plus être belle. Sullivan va un peu mieux désormais.
Je suis allé voir la petite fille qui organise des thérapies collectives. Elle était jolie, trop grande mais jolie. Un peu trop bavarde et animée mais jolie, vraiment. On a fait tout un tas de trucs auxquels je ne crois plus, mais je me suis bien amusé. Sullivan est parti avant la fin de la séance. J'ai bien peur qu'il soit vexé, qu'il soit jaloux de ma relation avec cette fille parce que nous étions toujours tous les deux et qu'elle s'est assise sur lui. Il commence à m'agacer. Il prend trop de place dans ma vie, dans ma tête, il pollue mon oxygène et mes notes sont en baisse. C'est un peu comme si il s'asseyait sur mon cerveau, comme si il me suçait les méninges.
03
MADAME HOLLYWOOD
Mon ami imaginaire est dépressif
Tu parles plus, t’écoutes plus ce que je dis et tu veux même plus jouer avec moi.
Depuis deux jours il pleut dehors, alors on passe notre temps à faire des siestes, couchés dans mon lit, et tes larmes laissent des traces sur ton oreiller.
Je me dis que dès qu’il fera beau on ira faire un tour au parc et qu’on reviendra pour le goûter avec des tâches d’herbes vertes sur nos pantalons, on pourrait même aller jusqu’à la plage et construire un château puis des digues pour le protéger de la marée : combat perdu d’avance mais on y croira quand-même.
Tu existes parce que j’existe et tu n’existes que pour moi.
Même si dès fois tu me rends triste je te laisserai jamais tomber, promis.
04
ETIENNE
Garry est dépressif
Evidemment il ne veut pas en parler. Il préfère disparaître quand on aborde le sujet. L'autre jour, j'ai tenté de le rattraper quand il s'est enfui par la fenêtre, en vain. Il m'a agacé. Maman déteste quand je touche à la fenêtre. Je n'aime pas décevoir maman. J'étais d'autant plus agacé. Ma tête cognait contre les murs. Le soir, il est quand même venu à table au diner. Il s'est installé dans ma main. Quelle arrogance. Moi qui avais passé l'aprés-midi la tête dans le mur par sa faute. J'ai eu envie de le tuer. J'ai pris mon couteau et je lui en ai mis trois bons coups. Evidemment, il avait encore disparu quand j'ai céssé mon attaque. L'atmosphère est alors devenue lourde dans le salon. Papa et Maman hurlaient. Ils m'ont emmené à l'hôpital. Surement pensaient-ils que Garry s 'était réfugié là-bas. La belle histoire. Je suis là depuis 3 jours et je ne le vois toujours pas.
2 commentaires:
On veut les nouveaux sujets!!!!
Yep, les nouveaux sujets sont publiés demain.
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